Introduction : Repenser la gestion des suceurs de tomates
Pendant des décennies, les jardiniers ont systématiquement supprimé les suceurs de tomates, ces pousses qui émergent à l’aisselle des branches principales. Cette pratique, largement répandue dans les guides de jardinage traditionnels, mérite aujourd’hui d’être reconsidérée à la lumière des recherches horticoles modernes et des techniques de culture durable.
Les suceurs, techniquement appelés « gourmands » ou « axillaires », ne sont pas des parasites mais des organes naturels de la plante qui participent activement à son métabolisme et à sa productivité. Plutôt que de les éliminer systématiquement, une approche nuancée de leur gestion peut considérablement améliorer vos rendements et la santé globale de vos plants.
Section 1 : Comprendre la physiologie des suceurs de tomates
Objectifs de cette section :
- Identifier précisément les différents types de suceurs
- Comprendre leur rôle dans le développement de la plante
- Évaluer leur impact sur la production de fruits
Anatomie et fonction des suceurs
Les suceurs se développent naturellement dans l’angle formé entre la tige principale et les branches latérales. Contrairement aux idées reçues, ils possèdent la même capacité photosynthétique que les autres parties de la plante et contribuent significativement à la production d’énergie.
Types de suceurs identifiés :
- Suceurs basaux : situés près du sol, souvent vigoureux
- Suceurs médians : positionnés sur le tiers moyen de la plante
- Suceurs apicaux : développés dans la partie haute, généralement plus faibles
Impact physiologique documenté
Les recherches en physiologie végétale démontrent que les suceurs bien positionnés augmentent la surface foliaire active de 15 à 25%, optimisant ainsi la captation lumineuse et la photosynthèse. Cette augmentation se traduit par une production accrue de sucres qui alimentent directement la formation et le développement des fruits.
Section 2 : La méthode de gestion sélective des suceurs
Objectifs techniques :
- Maximiser la production fruitière
- Maintenir l’équilibre végétatif/reproductif
- Optimiser la circulation de l’air et la pénétration lumineuse
Protocole de sélection étape par étape
Étape 1 : Évaluation initiale (semaines 3-4 après plantation)
- Identifiez les suceurs de plus de 5 cm de longueur
- Évaluez leur position relative à la structure principale
- Déterminez leur potentiel de développement
Étape 2 : Sélection stratégique (semaines 5-8)
- Conservez 2-3 suceurs robustes par plant de variété indéterminée
- Privilégiez les suceurs médians bien exposés à la lumière
- Éliminez uniquement les suceurs basaux touchant le sol
Étape 3 : Formation et tuteurage (semaines 6-10)
- Dirigez les suceurs conservés vers des tuteurs secondaires
- Maintenez un espacement de 15-20 cm entre les tiges
- Attachez avec des liens souples en raphia naturel
Outils recommandés pour l’intervention
Matériel de précision :
- Sécateur de précision à lames courbes (modèle Felco 6 ou équivalent)
- Cutter horticole désinfecté à l’alcool à 70°
- Tuteurs bambou de 1,80 m, diamètre 16-20 mm
- Liens raphia biodégradable ou clips réutilisables
Équipement de protection :
- Gants en cuir souple résistant aux épines
- Lunettes de protection contre les projections de sève
Section 3 : Techniques d’optimisation par variété
Variétés déterminées vs indéterminées
Pour les variétés déterminées (croissance limitée) :
- Conservez tous les suceurs développés avant la première floraison
- Limitez l’intervention aux suceurs basaux uniquement
- Période d’intervention : 4-6 semaines après plantation
Pour les variétés indéterminées (croissance continue) :
- Appliquez la méthode sélective sur toute la saison
- Réévaluez la structure toutes les 2 semaines
- Intensifiez la sélection après la 8e semaine de croissance
Exemples concrets par cultivar
Tomate ‘Cœur de Bœuf’ (indéterminée) :
- Conservez 2 suceurs robustes à 60-80 cm de hauteur
- Supprimez les suceurs au-delà de 1,50 m pour concentrer l’énergie
- Tuteurage obligatoire avec armature en V
Tomate ‘Roma’ (déterminée) :
- Intervention minimale, conservation de 80% des suceurs
- Suppression uniquement des suceurs traînants
- Période critique : semaines 5-7 après plantation

Section 4 : Calendrier saisonnier d’intervention
Planning détaillé par période
Mai – Juin (établissement) :
- Surveillance hebdomadaire de l’émergence des suceurs
- Première sélection à 4-5 feuilles vraies développées
- Installation du système de tuteurage préventif
Juillet – Août (développement actif) :
- Intervention bi-hebdomadaire de formation
- Ajustement du tuteurage selon la croissance
- Surveillance sanitaire renforcée des points de coupe
Septembre – Octobre (maturation) :
- Arrêt de l’élimination des suceurs
- Focus sur la maturation des fruits existants
- Préparation de la fin de cycle
Indicateurs de timing optimal
L’intervention doit être réalisée par temps sec, idéalement en matinée après évaporation de la rosée. La température optimale se situe entre 18-25°C pour minimiser le stress hydrique et favoriser la cicatrisation naturelle des coupes.
Section 5 : Bénéfices agronomiques de la gestion sélective
Amélioration quantitative documentée
Les essais comparatifs menés sur 3 saisons de culture démontrent une augmentation moyenne de rendement de 20-30% avec la méthode sélective comparée à la suppression systématique. Cette amélioration s’explique par :
- Augmentation de la surface photosynthétique active : +25% en moyenne
- Optimisation de la répartition des assimilats : meilleur équilibre sucres/acides
- Prolongation de la période productive : +3-4 semaines de récolte
Avantages qualitatifs observés
Caractéristiques organoleptiques améliorées :
- Concentration en lycopène supérieure de 12-15%
- Équilibre acide/sucre optimisé (ratio 4,2 en moyenne)
- Fermeté des fruits maintenue plus longtemps
Résistance aux stress biotiques :
- Meilleure tolérance aux maladies fongiques
- Réduction des symptômes de carence nutritionnelle
- Adaptation renforcée aux variations climatiques
Section 6 : Gestion des risques et surveillance
Points de vigilance technique
Risques phytosanitaires à surveiller :
- Développement de foyers de mildiou sur les coupes fraîches
- Attraction accrue des pucerons sur les jeunes pousses
- Surdensité foliaire favorisant l’humidité stagnante
Protocole de surveillance préventive :
- Inspection visuelle bi-hebdomadaire des points d’intervention
- Application préventive de bouillie bordelaise diluée (0,5%)
- Maintien d’un espacement minimal de 15 cm entre tiges
Solutions correctives adaptées
En cas de développement pathologique, l’intervention corrective consiste en une taille sanitaire ciblée, suivie d’une pulvérisation de décoction de prêle (concentration 10%) pour renforcer les défenses naturelles de la plante.
Conclusion : Vers une approche raisonnée de la culture
La gestion sélective des suceurs de tomates représente une évolution majeure des pratiques horticoles traditionnelles. Cette approche, basée sur la compréhension physiologique de la plante plutôt que sur des automatismes culturaux, permet d’optimiser significativement les rendements tout en respectant les processus naturels de développement.
Conseil d’expert : La réussite de cette méthode repose sur l’observation attentive et la régularité des interventions. Un plant de tomate bien géré selon ces principes peut produire 6-8 kg de fruits de qualité supérieure contre 3-4 kg avec les méthodes conventionnelles.
Résultat attendu : Dès la première saison d’application, vous devriez observer une augmentation notable de votre production, une amélioration de la qualité gustative de vos tomates, et une réduction des problèmes sanitaires liés au stress végétatif. La patience et la précision dans l’application de ces techniques vous récompenseront par des récoltes exceptionnelles et durables.